Un jour, lors d’un
accompagnement auprès d’un jeune 11 ans, nous passons aux abords d’un hôpital. Il
me regarde et affirme que les hôpitaux lui font peur parce que les gens qui y
sont morts hantent toujours les lieux. Il me cite comme source, une émission de
télévision regardée dernièrement.
N’étant pas le seul jeune à
avoir tendance à se référer aux émissions de télé, la remarque de ce jeune m’a
amené à me questionner en ce sens : quelles réalités ces jeunes
construisent ils à partir du savoir ingéré par les écrans ? Quel recul
peuvent -il prendre par rapport aux images ?
Chez ce jeune, la peur des écrans semble
signifier un manque de décryptage lié à la compréhension de la différence entre
fiction et réalité. De plus, ce jeune est obnubilé par les écran, passionné de
jeux vidéo et de séries, pouvant passer des nuits à jouer ou naviguer sur
internet.
Ce jeune présente des difficultés de socialisation, donc peu d’amis,
peu d’activités sur l’extérieur, tout ceci entraînant une forme d’inhibition. Il
est en décrochage scolaire et évolue dans un environnement familial conflictuel.
Les écrans représentent pour ce jeune un refuge, mais pas seulement. C’est pour
lui un moyen de rencontrer d’autres joueurs, de partager une culture commune par
le biais de liens sociaux virtuels.
Constatant que plusieurs jeunes
que j’accompagnais avait un profil similaire à ce jeune, j’ai mené une action
collective portant sur l’image.
N’étant pas moi-même un expert dans ce domaine,
j’ai fait appel à la Maison de l’Image.
Le premier objectif est de leur
permettre de comprendre les mécanismes de manipulations audiovisuelles tout en
les armant d’outils créatifs pour qu’ils puissent s’approprier l’image, la vidéo,
le son ou encore le montage. L’objectif second est de créer un groupe et d’aller
sur l’extérieur puisque ces jeunes ont des difficultés à interagir avec le
monde réel. Notre mission, répondre à ce besoin d’autrui.
Jean-Paul Sartre a
dit « j’ai besoin de la médiation d’autrui pour être ce que je suis ».
Amener ces jeunes à partager entre eux, est un premier pas vers l’autre et donc
un premier pas vers soi.
Concrètement, les rencontres se
sont déroulées sur trois ateliers avec la maison de l’image pour un groupe de
trois jeunes. Le premier atelier a porté sur la façon dont ces adolescents
voient les médias, leur attitude face aux écrans, leur goût, leur questionnement.
La curiosité des jeunes, la richesse des interventions ont nourri de nombreux
échanges sur la violence, la télé, du culte de l’appartenance ou encore la manipulation
d’information.
Ils ont pu réaliser des scènes avec
la technique du light painting, la pixilation (technique d'animation en volume,
où des acteurs réels ou des objets sont filmés image par image) ou encore le
Pocket film (film de poche, par le biais du téléphone portable) en découvrant
un logiciel de montage. Ils ont créé de l’audiovisuel grâce à leur portable,
leur appareil photo.
Suite aux trois ateliers, l’un s’est
fait offrir une Go Pro avec laquelle il a commencé à faire ses propres montages,
un autre s’est tourné vers les logiciels de retouche photo et d’image.
Par la suite, j’ai de nouveau accompagné de jeune de 11 ans
lors d’une sortie. Nous sommes passés à côté d’une publicité mettant en vitrine
une jeune femme quasi parfaite. « Tout ça, c’est Photoshop et compagnie ».
Ces échanges ont permis à ces adolescents de réfléchir à
leur manière de penser et « consommer » l’image. Cela leur a également
permis de retrouver le plaisir d’interagir avec l’autre et développer leur
curiosité face aux outils concernant l’audiovisuel.
LEO MANUGUERRA